Les années 80 touchent à leur fin, et l’industrie automobile vit ses heures de gloires. Durant cette période, chaque constructeur (ou presque) possédait dans son catalogue des petits modèles nerveux, appelés communément GTI. Certaines ont le label, telles les 205 et Golf GTi, d’autres se contentent du sigle "Turbo" comme les R5 GT Turbo ou Fiat Uno Turbo ie. Les années 90 arrivent, passent, laissant tout doucement en bord de route "l’Esprit GTI ". Néanmoins une icône est née dans ces années là…et elle fête ces 20 ans !!
20 ans…presque hier pour certains. Nous sommes donc au début des années 90. Renault est engagé en Formule 1 avec des V10 équipant notamment l’écurie Williams. Avec ses pilotes Mansell et Patrese, le losange gagne son premier titre motoriste en 1992. Une idée commence à mijoter dans les cerveaux du service marketing.
1993, Alain Prost, alias "le Professeur", est de retour en Formule 1 après une année sabbatique. Il pilotera cette année-là la FW15C du team Williams-Renault. Cette voiture, entre les mains de Prost et Damon Hill, est redoutable d’efficacité ! La Williams domine la saison outrageusement, avec en 16 courses, 15 pôles positions, soldées par 10 victoires. Et surtout la consécration pour Prost avec son 4ème titre pilote, et pour Renault son second titre en tant que motoriste.
N’en jetez plus, les cerveaux du service marketing sont en ébullition ! L’occasion est là, il faut en profiter !! Pour être certain que leur idée soit validée par la direction, ils s’associent à Renault Sport pour mettre en place un programme d’homologation Rallye. D’ailleurs, dans cette discipline, une nouvelle catégorie vient de faire son apparition, les Kit-Cars. Ce sont des modèles tractions, équipés de moteur 2.0 L atmosphérique. La base est toute trouvée…ce sera la récente Renault Clio. Le projet est donc monté, présenté, et validé par la direction !
Certains s’en souviennent peut-être : "Vous pouvez rougir de honte, verdir de rage, mais c’est à une Clio que Frank Williams a donné son nom". Voila le slogan de la Clio Williams à sa sortie. Et ce nom, elle le mérite ! La base est la Clio 16s, la sportive de la gamme Clio. Ainsi la Williams reprend les codes esthétiques de sa consoeur, avec ses ailes enflées et sa prise d’air sur le capot. Le kit carrosserie reste le même, avec bas de caisse et spoiler. Pour le reste, attention à la claque ! Il fallait un choc visuel, pas grand chose mais juste ce qu’il faut pour identifier de suite la "Bête" ! La couleur tout d’abord, bleue nuit, issue de la F1 championne du monde. Les jantes, des Speedline Gold en 15′. Les stripping "Williams" bien sûr, dorés et qui courent sur les flancs et sur le hayon. Pas doute, ça a de la gueule…la "Bête" vont fait tout doucement saigner du nez !!
A l’intérieur même topo. On comprend de suite où on met les pieds. A l’ouverture de la portière, les seuils sont badgés Williams. La moquette, bleue pour l’occasion, vous attaque le nerf optique. Les sièges enveloppants, empruntés à la cousine R19 16s, sont habillés d’une sellerie spécifique en velours gris, signés d’un « W » bleu…qui veut dire Williams. Le pommeau de levier de vitesse ? Bleu ! Les fonds de compteur ? Encore Bleu ! Renault a donc réussi le chalenge, la Williams se démarquant bien de la 16s. Ultime détail, la plaque en laiton spécifique et numérotée, bleue à écriture dorée…vite un mouchoir, l’hémorragie est enclenchée !!!
Passons au cœur de la "Bête"…soulevons le capot. Pour l’homologation Rallye, le règlement imposait un moteur 2 L. Le 1.8 L F7P de la Clio 16s devient donc F7R. Au passage les ingénieurs ont revu l’alésage à la hausse (+ 0,7 mm), le vilebrequin est emprunté à la Clio diesel, permettant de passer la course de 83,5 à 93 mm, les arbres à came sont modifiés, les pistons forgés, les bielles renforcées, les soupapes plus grosses, la culasse résinée et trempée…la technologie rappelle celle du V10 de la F1. Après ce traitement de choc, le F7R sort 150 ch à 6100 tr/min. La boîte est renforcée, pour encaisser les 18,2 mkg de couple, et le châssis adopte le train avant de la Clio Cup. Posée plus près du sol par rapport à la 16s, elle est méchante et ne se gêne pas pour le faire savoir. Le 0 à 100 km/h est avalé en 7,9 secondes et la vitesse de pointe atteint les 216 km/h…
La Clio Williams est donc un modèle à part dans la gamme. Elle n’est pas qu’une simple évolution de la 16s, c’est une véritable bête de spéciale pour route ouverte. Elle devient ainsi la référence avec un principe simple, vous visez, vous tirez, elle fait mouche ! Avec moins d’une tonne sur la balance (990 kg), elle fait preuve d’une efficacité redoutable, capable de titiller des sportives bien plus puissantes. Le pilote, ou apprenti pilote, entame alors un bras de fer avec ce train avant d’une précision chirurgicale, pour savoir lequel des deux abandonnera le premier ! Et il faut reconnaître que la "Bête" a du biceps !! Mais comme toutes les bonnes GTI de l’époque, un brusque lever de pied en courbe ou un freinage en appui vous rappellera qu’elle reste vive mais jamais piégeuse. Cette voiture là vit, possède une âme…c’est ce que les amoureux des véritables GTI aiment chez elle.
3800 exemplaires. C’est ce que Renault prévoyait. Mais voilà, en tant que digne héritière de ces ancêtres, les modèles s’arrachent. A tel point que 1500 autres verront le jour. Début 1994, la Clio phase 2 arrive. La Williams adopte les codes stylistiques mais garde ses spécificités. Son chant du cygne se fera l’année suivante avec les 500 exemplaires de la Swiss Champion et ses quelques modifications esthétiques.
Alors convaincu ? Aujourd’hui elle fait partie de la légende "GTIesque", faisant même rêver les moins de 20 ans qui n’auraient pas pu la connaître ! Surtout, pour beaucoup, elle reste la dernière vraie GTI d’une époque pas si lointaine, mais malheureusement disparue…